Le 1er juin, le Parlement du Climat a organisé une table ronde parlementaire pour discuter des projets potentiels d'interconnexion énergétique dans la région d'Afrique australe, en collaboration avec l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) et avec le soutien de la Commission européenne (DG INTPA). Notre session a fait intervenir deux experts dans ce domaine, Crispen Zana, conseiller principal en énergie pour le Partenariat Afrique-UE pour l'énergie, et Moeketsi Thobela, spécialiste en chef des investissements dans les énergies renouvelables pour le Fonds pour l'énergie durable en Afrique (SEFA) de la Banque africaine de développement. Des parlementaires de la République démocratique du Congo, du Malawi, du Mozambique, d'Afrique du Sud, de Zambie et du Zimbabwe se sont joints à notre discussion.
Le secrétaire général du Parlement du Climat, Nick Dunlop, a demandé aux deux experts de donner un aperçu des interconnexions énergétiques existantes en Afrique. Cinq pools énergétiques régionaux indépendants, le Pool énergétique d'Afrique australe, le Pool énergétique d'Afrique de l'Est, le Pool énergétique d'Afrique centrale, le Pool énergétique d'Afrique de l'Ouest et le COMELEC (le Pool énergétique d'Afrique du Nord) couvrent déjà l'ensemble du continent, chaque pool gérant sa propre interconnexion avec différents niveaux d'intégration. Le plan directeur des systèmes électriques continentaux et le marché unique africain de l'électricité auront pour objectif de relier tous ces pools entre eux afin de connecter les 55 pays africains sur un réseau unique, leur permettant ainsi d'échanger de l'énergie à travers les frontières avec des prix plus bas et une fiabilité accrue. Lorsque ce projet deviendra réalité, il s'agira de la plus grande interconnexion géographique au monde.
L'interconnexion énergétique offre d'immenses avantages économiques. En Afrique australe, l'Angola dispose de 6 000 MW de surplus d'électricité, tandis que l'Afrique du Sud connaît régulièrement des coupures de courant. Si des lignes de transmission reliaient les deux pays, l'Angola pourrait exporter de l'électricité et augmenter son revenu national, tandis que l'Afrique du Sud serait en mesure de répondre à sa demande énergétique nationale. Les interconnexions transfrontalières permettent aux pays d'équilibrer leur offre et leur demande d'électricité et de pallier l'intermittence des énergies renouvelables. Du Cap-Vert à l'île Maurice et aux Seychelles, l'Afrique s'étend sur six fuseaux horaires et les pays connaissent des pics de demande énergétique à des moments différents. Lorsque le soleil se lève sur la côte Est, les habitants de l'Afrique de l'Ouest pourraient recharger leurs véhicules électriques ou préparer leur petit-déjeuner grâce à l'énergie solaire de l'Est et, inversement, les habitants de l'Afrique de l'Est pourraient préparer leur dîner le soir grâce à l'énergie solaire de l'Ouest.
Le groupe de travail sur l'Afrique de la Green Grids Initiative étudie les possibilités d'accélérer la réalisation de deux projets d'interconnexion en Afrique australe, la ligne de transmission ZiZaBoNa qui reliera le Zimbabwe, la Zambie, le Botswana et la Namibie, et une liaison entre le projet hydroélectrique Inga 3 en République démocratique du Congo et l'Afrique australe. D'autres projets prioritaires devraient suivre dans les mois à venir. Le groupe de travail étudie les moyens de susciter une volonté politique et de trouver des solutions techniques pour accélérer leur construction. La plupart des habitants de l'Afrique australe vivent dans la partie orientale de la région, tandis que la partie occidentale est riche en énergie éolienne et solaire. La ligne ZiZaBoNa pourrait fournir suffisamment d'énergie propre à toute la région, l'hydroélectricité venant compléter et équilibrer la production. Inga 3 vise à construire un troisième barrage sur les chutes d'Inga du fleuve Congo. C'est l'un des projets phares de l'Union africaine et il pourrait devenir la plus grande source d'énergie du continent. Les projections montrent qu'il pourrait produire plus de 11 000 MW à long terme, et que Grand Inga (l'ensemble du complexe hydroélectrique comprenant tous les barrages) pourrait produire près de 42 000 MW. Inga 3 pourrait créer 5 000 emplois directs et indirects, et jusqu'à 30 000 pour Grand Inga. Mais malgré son potentiel, les progrès sur le terrain sont très lents et un certain nombre de problèmes doivent être réglés avant sa mise en œuvre effective. Plusieurs députés ont soulevé le problème de la transition juste, car certains de leurs administrés vivant le long du fleuve n'ont eux-mêmes pas accès à l'électricité. Pour être efficace et bien accepté, le projet Inga doit bénéficier aux communautés locales et favoriser le développement socio-économique de la population congolaise. Les députés ont également soulevé le point de la rentabilité financière de Grand Inga. L'Afrique du Sud s'est déjà engagée à acheter 2 500 MW à la RDC, mais les pourparlers avec d'autres pays intéressés, tels que l'Égypte et le Nigéria, n'avancent pas. La RDC doit diversifier et augmenter le nombre d'acheteurs pour s'assurer que le projet sera économiquement viable.
Les députés ont demandé à nos experts comment contribuer à accélérer la réalisation de ces projets, et comment s'assurer qu'ils puissent avoir accès à des financements. Crispen Zana et Moeketsi Thobela ont insisté sur l'importance d'encourager leurs gouvernements à investir des fonds propres au départ, afin de donner au secteur privé et aux agences multilatérales la confiance nécessaire pour investir et réduire le coût du capital initial. Comme les projets d'infrastructure ont généralement des coûts d'investissement initiaux élevés mais de faibles frais d'exploitation, il est d'autant plus important de pouvoir emprunter de l'argent à un faible taux d'intérêt. Nos participants ont également décrit les difficultés qu'ils rencontrent pour faire avancer des projets de cette envergure à chaque nouvelle élection. En travaillant avec des groupes de députés multipartites, le Parlement du Climat fournit un excellent exemple de la manière dont les parlementaires peuvent coopérer pour assurer la continuité de l'action climatique malgré les changements d'administration. Le Parlement du Climat continuera à faire participer les députés africains aux travaux du groupe de travail sur l'Afrique de la Green Grids Initiative.
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