Le mardi 19 avril, le Parlement du Climat a organisé une table ronde parlementaire consacrée à l’investissement dans les mini-réseaux pour l’électrification rurale, en collaboration avec l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) et avec le soutien de la Commission européenne (DG INTPA). Nicola Bugatti, expert à la Facilité d'assistance technique mondiale de l'Union européenne pour l'énergie durable, a d’abord répondu aux questions de Léa Hillaireau, coordinatrice politique pour le Parlement du Climat, puis a débattu avec des parlementaires du Bénin, du Burkina Faso, de Djibouti, de RDC et du Sénégal.
Selon le dernier rapport ‘Tracking SDG7 : The Energy Progress Report’ publié en juin 2021 par l’Agence internationale de l’énergie, le nombre de personnes encore privées d’accès à l’électricité a radicalement baissé au cours de la dernière décennie, avec la mise en place de l’objectif de développement durable n°7 visant à garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable. Alors que près de 1,2 milliard de personnes étaient privées d’électricité en 2010, ce chiffre a chuté à 759 millions en 2019. Le développement de solutions hors réseaux a permis de véritables progrès pour étendre l’accès à l’électricité en zones rurales, et les énergies renouvelables ont joué un rôle clé dans cette accélération, particulièrement en Afrique subsaharienne où les ressources solaires sont abondantes. Si ce même rapport se montre pessimiste sur l’achèvement de l’accès universel à l’énergie à l’horizon 2030, notre expert et les parlementaires estiment qu’une accélération importante des investissements publics et privés devraient permettre à plusieurs pays d’atteindre leurs objectifs au niveau national.
Nicola Bugatti a insisté sur la nécessité pour les pays de mettre en place un cadre politique et réglementaire favorable aux investissements, ainsi qu’un cadre institutionnel solide qui permette au secteur privé de s’engager. Selon lui, les parlementaires peuvent intervenir sur trois aspects clés : prendre des décisions souveraines sur la rémunération des services électriques, promouvoir des appels d’offres compétitifs et transparents pour faire baisser les coûts, et développer des plans et des stratégies basées sur des informations géographiques. En effet, d’après notre expert, l’accès universel à l’électricité ne pourra se faire qu’en diversifiant ses choix de technologies et en travaillant avec toutes les options, les mini-réseaux et autres systèmes hors réseaux, ainsi que les extensions du réseau national. Pour identifier les meilleures solutions pour chaque ville, chaque localité et village, un travail de recherche en amont peut permettre d’optimiser les résultats et d’économiser des sommes considérables. Le Burkina Faso, qui a réalisé d’énormes progrès en matière d’électrification rurale ces dernières années, a étudié et identifié les meilleures combinaisons possibles de technologies pour décider de ses investissements, et ainsi construire des réseaux mieux adaptés aux réalités locales.
De nombreux parlementaires ont interrogé notre expert sur l’accès aux financements. En effet, une fois que les cadres réglementaires et institutionnels sont posés, le défi majeur consiste à identifier les acteurs capables d’investir les capitaux nécessaires pour la mise en œuvre effective des projets. Afin de favoriser l’engagement du secteur privé, Nicola a conseillé le développement de packages qui ne comprennent pas uniquement les subventions de l’État, mais également des instruments financiers permettant de dé-risquer les investissements comme les lignes de crédit ou les garanties.
Nicola est également revenu sur les deux types de modèles adoptés par les pays pour mobiliser l’investissement dans les mini-réseaux. Certains d’entre eux, à l’instar du Ghana, choisissent un modèle où l’investissement est 100% public, et où seules les opérations de maintenance sont gérées par le secteur privé via des contrats de gestion. Le défi principal de ce modèle reste de parvenir à mobiliser l’investissement public. Le second modèle, privilégié par une majorité de pays, est celui des partenariats public-privé (PPP). La stratégie adoptée par la Sierra Leone a consisté à lancer une première phase d’investissements intégralement publics, suivie par une seconde phase d’appels d’offres compétitifs pour le privé. Cette méthode permet de répartir les risques entre les acteurs qui sont les mieux placés pour les gérer, tout en conservant les réseaux de distribution dans la propriété publique.
Bien que l’Afrique ne soit responsable que de 4% des émissions de CO2 au niveau mondial, Nicola Bugatti a souligné le fait qu’au-delà du seul argument climatique, les énergies renouvelables présentent de nombreux autres avantages pour les pays en développement. Elles sont un moyen d’adaptation pour les populations qui souffrent des effets du réchauffement climatique, elles permettent de renforcer l’indépendance énergétique et la fiabilité de l’approvisionnement, en plus de réduire les coûts de l’énergie. Un meilleur accès à l’électricité permet aussi de promouvoir la transition de certaines activités polluantes vers les énergies propres. Dans les zones rurales, de nombreux foyers dépendent de la combustion du bois et du charbon pour cuisiner, contribuant à la déforestation et à la pollution atmosphérique. Selon l'Organisation mondiale de la santé, chaque année, plus de 3,8 millions de personnes dont une majorité de femmes et d’enfants, meurent prématurément de maladies directement liées à ces pratiques de cuisson polluantes, alors que de nombreuses solutions innovantes existent pour cuisiner grâce aux énergies renouvelables. Enfin, en étendant l’accès à l’électricité dans les zones qui en sont privées, les mini-réseaux permettent aussi de développer de nouvelles activités économiques génératrices de revenus. Comme l’ont souligné à juste titre certains parlementaires, il faut disposer d’un certain revenu afin de pouvoir payer l’électricité que l’on consomme. Promouvoir une trajectoire d’électrification rurale qui permet aussi le développement économique et social des populations est donc un point capital. Investir dans l’accès à l’énergie, c’est investir dans le développement économique de son pays, son industrialisation, et une augmentation globale des revenus pour les populations et pour l’État.
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