Mardi 29 mars, le Parlement du Climat a organisé une table ronde parlementaire pour discuter de la finance verte et des investissements dans le réseaux vert,s avec des députés africains et sud-asiatiques, en collaboration avec Oxford Policy Management (OPM), dans le cadre du programme de recherche Energy for Economic Growth (EEG). Nous avons fait appel aux experts Abhishek Shivakumar, consultant indépendant spécialisé dans la modélisation des systèmes énergétiques, et Steve Pye, professeur associé de systèmes énergétiques à l'Institut de l'énergie de l'University College de Londres - deux spécialistes de renommée mondiale dans ce domaine.
Dans un monde entièrement alimenté par des énergies renouvelables, il ne fait aucun doute que de grands réseaux régionaux et continentaux seront essentiels pour garantir que l'approvisionnement en électricité soit fiable et suffisant pour répondre à la demande, partout et à tout moment. Mais le véritable défi consiste à mobiliser les investissements nécessaires pour construire cette infrastructure de réseaux verts, afin que notre système électrique soit prêt pour une expansion rapide des énergies renouvelables. Pour les économies émergentes et en développement (à l'exception de la Chine), l'investissement global dans le secteur de l'énergie s'élève aujourd'hui à 250 milliards de dollars par an, et si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques et maintenir l'augmentation de la température en dessous de 1,5°C, ce chiffre devrait passer à un billion. En se penchant plus spécifiquement sur les composants pour les réseaux, l'investissement global s'élève à 70 milliards aujourd'hui et devrait passer à 300 milliards (voir "Financing clean energy transitions in emerging and developing economies – Analysis - IEA"). Ces investissements devront être concentrés sur les régions porteuses de croissance, principalement l'Inde, l'Asie du Sud-Est et l'Afrique subsaharienne. D'énormes investissements supplémentaires dans les infrastructures vertes seront donc nécessaires si nous voulons rester dans les limites d'un budget carbone mondial sûr. Ils sont essentiels non seulement pour créer de nouvelles lignes de transmission et de distribution, mais aussi pour renforcer et moderniser les lignes existantes, et pour rendre nos infrastructures aptes à recevoir les plus grandes quantités d'électricité qui devront y transiter à l'avenir.
L'un des principaux défis du financement des réseaux électriques est que la plupart d'entre eux appartiennent à l'État, ce qui rend plus difficile la participation des investisseurs privés. Mais étant donné l'immense somme d'argent nécessaire à la construction de ces infrastructures, les fonds publics ne suffiraient pas à couvrir les financements dont le monde a besoin, et il est indispensable d'attirer également des fonds privés. 100 000 milliards de dollars sont disponibles sur le marché des obligations, et les projets d'infrastructure sont généralement considérés comme des investissements stables et sûrs qui tendent à fournir des retours sur investissement prévisibles. Il est donc essentiel de mettre en place des mesures incitatives pour flécher davantage de fonds privés vers la finance verte. Le Fonds vert pour le climat - le plus grand fonds au monde dont le mandat est d'aider les pays en développement à fixer et à atteindre leurs objectifs de réduction des émissions - s'est attaché à rendre les investissements climatiques plus attrayants sur le plan économique, en renforçant leur bancabilité et en introduisant des mécanismes de réduction des risques pour diminuer les taux d'intérêt.
Néanmoins, les organisations internationales et les parties prenantes impliquées dans le financement vert ont rencontré des difficultés pour s'accorder sur la définition de ce qui constitue un investissement climatique. En effet, les niveaux d'émission de dioxyde de carbone ne sont pas pertinents dans le cas des réseaux, car ils n'émettent ni n'absorbent pas de CO2 en tant que tels, mais ils libèrent plutôt le potentiel pour générer de l'électricité en émettant moins. Au cours des dernières années, deux principaux cadres de référence ont vu le jour. D'une part, la taxonomie de l'Union européenne est un système de classification établissant une liste d'activités économiques durables sur le plan environnemental, qui peuvent être considérées comme des investissements climatiques à partir d'un seuil de 100 g de CO2e/kWh d'électricité produite. Bien que ce système fonctionne bien pour les pays européens, il n'est pas adapté aux économies émergentes, car il ne tient compte que des données existantes. Les économies émergentes se retrouvent parfois confrontées au paradoxe de l'œuf et la poule : elles ont besoin d'investissements pour réduire leurs émissions de carbone, mais elles ne peuvent bénéficier de ces investissements que si elles sont déjà sur la bonne voie. D'autre part, les principes communs des banques multilatérales de développement (MDB) pour le suivi du financement de l'atténuation des changements climatiques tiennent compte des objectifs visés par un pays à horizon de 10 ans. Mais l'inconvénient de cette approche est qu'elle offre moins de certitude, car les évaluations sont basées sur une trajectoire prévisionnelle et non sur des données précises. Ces deux cadres restent extrêmement restrictifs : le recours aux critères de la taxonomie de l'UE ne permettrait que 10 % des investissements nécessaires pour les réseaux, et les principes communs des banques multilatérales de développement, 40 %.
Désireux de comprendre comment contribuer à catalyser les financements pour le climat dans leur propre pays, les députés ont posé des questions sur le type de législation et de cadre réglementaires qu'ils peuvent promouvoir à cette fin. Selon les deux experts, il est essentiel de veiller à ce que leur pays démontre un engagement politique sérieux sur la voie des énergies propres, avec un système solide de plans prévisionnels, afin de donner aux investisseurs l'assurance qu'il y aura un véritable flux d'investissements dans les énergies renouvelables à l'avenir. Le rehaussement des ambitions en matière de climat afin d'augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, et un contrôle étroit de la réalisation de ces objectifs, sont également des incitations efficaces. L'investissement du gouvernement est un autre signal fort pour les investisseurs, que les règles ne changeront pas soudainement. Répondant à une question des députés sur la difficulté d'assurer la continuité de l'action climatique avec l'alternance des partis au pouvoir, le directeur exécutif Sergio Missana a souligné le rôle clé que peut jouer un réseau multipartite de législateurs pour travailler ensemble au-delà des différences politiques, et pour faire pression afin de promouvoir des politiques environnementales à long terme de l'État, par opposition aux politiques à court terme du gouvernement.
コメント