Le 22 mars, le Parlement du Climat a organisé une table ronde parlementaire nationale avec des députés du Bhoutan. Cette réunion a été organisée en collaboration avec Oxford Policy Management (OPM), dans le cadre du programme de recherche Energy for Economic Growth (EEG). Pankaj Batra, directeur de projet à l'Integrated Research and Action for Development (IRADe), qui est chargé de renforcer le commerce transfrontalier de l'énergie entre les pays d'Asie du Sud, s'est joint à notre conversation pour discuter avec les parlementaires des défis et des opportunités qu'offrent les énergies renouvelables au Bhoutan.
Le Bhoutan, un pays presque entièrement recouvert de montagnes, est en première ligne face au changement climatique, et il est aussi considéré comme un modèle en matière d'énergies renouvelables. La capacité énergétique totale installée au Bhoutan s'élève à 2 342 MW, avec une part importante d'hydroélectricité qui représente 99,63 % de ce total. Tout comme son voisin le Népal, le Bhoutan bénéficie d'un fort afflux d'eau entre avril et octobre, pendant la mousson. Cela permet au pays d'être presque totalement autonome sur le plan énergétique. Mais la plus forte demande d'électricité se situant en hiver, lorsque les pluies sont plus rares, le Bhoutan doit parfois importer de l'étranger. Ce fut le cas en janvier 2022, lorsque la centrale hydroélectrique de Tala a dû être momentanément fermée pour des travaux de réparation, obligeant le pays à importer de l'électricité d'Inde. Suite à la reprise de la production d'électricité à Tala, le Bhoutan génère à nouveau un surplus d'énergie qu'il exporte vers l'Inde.
Le Bhoutan pourrait grandement bénéficier d'un niveau plus élevé d'interconnexion énergétique dans la région de l'Asie du Sud. À l'instar des pays européens montagneux comme la Suisse, l'Autriche et la France, le Bhoutan pourrait utiliser son hydroélectricité pour équilibrer le réseau, lorsque l'offre globale d'énergie est inférieure à la demande. Dans une future économie alimentée par les énergies renouvelables, lorsque le vent ne souffle pas et que le soleil ne brille pas, le Bhoutan pourrait vendre son énergie hydroélectrique au prix fort pour combler le vide et répondre à la demande, et aider ses voisins à diminuer voire arrêter leur recours aux centrales à charbon. Le pays pourrait également optimiser l'utilisation de ses ressources en stockant stratégiquement l'eau lorsque les prix du marché sont bas - quitte à importer temporairement de l'énergie bon marché de l'étranger - pour produire et exporter de l'électricité lorsque les prix augmentent. Outre l'argument climatique, la coopération régionale et l'interconnexion énergétique pourraient permettre au Bhoutan de tirer d'énormes avantages économiques.
Plusieurs députés ont exprimé leur inquiétude quant à la soutenabilité de la dépendance à l'hydroélectricité, à long terme. À mesure que les glaciers fondent et que le rythme des pluies change, l'eau devient une ressource de moins en moins fiable, et le Bhoutan explore à juste titre des sources d'énergie alternatives telles que l'énergie solaire photovoltaïque et l'énergie éolienne pour développer son système énergétique. L'un des grands avantages de l'installation de systèmes photovoltaïques dans les montagnes est que l'atmosphère plus fraîche permet aux centrales solaires de fonctionner plus efficacement. Afin de disposer d'un système d'énergie renouvelable plus durable, le Bhoutan devra non seulement disposer d'un mix énergétique équilibré, mais aussi d'une expansion de marché la plus large possible, comme le préconise la vision du partenariat GGI-OSOWOG. Si le Bhoutan est en mesure de vendre de l'énergie aux heures de forte demande à d'autres pays qui ont un décalage horaire, notamment le Bangladesh, l'Inde, le Myanmar, la Thaïlande et toute l'Asie du Sud-Est, le pays pourrait apporter une contribution importante au marché régional et à la stabilité du réseau, tout en améliorant considérablement ses financements par les internationales et les développeurs de projets privés.
Les députés ont également posé des questions sur leur rôle et sur la structure institutionnelle qui permettrait à cette vision de se concrétiser. Selon Pankaj, une telle collaboration commence toujours par une plateforme informelle où toutes les parties prenantes régionales discutent ensemble pour construire un consensus. Il est essentiel de permettre aux différents niveaux de décision, aux gouvernements, aux parlements, aux services publics et aux organismes de réglementation, d'apprendre à se connaître, à se faire confiance et à travailler ensemble. Et à l'instar de ce qu'il s'est produit en Europe, un solide travail de fond informel peut conduire naturellement à une structure institutionnelle formalisée. Le Bhoutan pourrait jouer un rôle important dans la sensibilisation à l'urgence de la lutte contre le changement climatique, en aidant à réunir tous les acteurs autour d'une même table pour pousser ses voisins à adopter une position plus ferme et à agir à la vitesse et à l'échelle nécessaires si nous voulons rester dans un budget carbone sûr.
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