En février et en mars, le Parlement du Climat a organisé deux tables rondes parlementaires virtuelles avec des députés du Kenya, du Malawi, d'Afrique du Sud, de Tanzanie, d'Ouganda et du Zimbabwe, en collaboration avec Oxford Policy Management (OPM), dans le cadre du programme de recherche Energy for Economic Growth (EEG). Les discussions ont porté sur les interconnexions énergétiques entre le Pool énergétique d'Afrique australe (SAPP) et le Pool énergétique d'Afrique de l'Est (EAPP), ainsi que sur le potentiel des ventes aux enchères pour les énergies renouvelables.
Pour notre première table ronde, nous avons reçu le Dr Ranjit Deshmukh, professeur adjoint au département d'études environnementales de l'université de Californie à Santa Barbara. Ranjit Deshmukh a développé des outils de modélisation pour aider les régulateurs et les décideurs à déterminer où investir dans la production d'énergie renouvelable et à comprendre les meilleurs emplacements pour établir des lignes de transmission, deux éléments qui peuvent améliorer l'approvisionnement en énergie en Afrique grâce aux réseaux internationaux.
Les super-réseaux régionaux sont essentiels pour assurer la transition vers une énergie propre : plus la zone sur laquelle nous exploitons les énergies renouvelables est étendue, plus l'énergie devient bon marché et fiable. Relier les meilleurs emplacements pour l'énergie solaire et éolienne aux centres de forte demande contribuera donc non seulement à décarboner notre système énergétique, mais aussi à réduire considérablement le coût de l'énergie. L'accord visant à relier le SAPP et l'EAPP, à créer le plan directeur du système électrique continental africain mettant en place un réseau continental, et le marché unique africain de l'électricité (AfSEM), sont tous des projets très concrets qui nous permettront d'échanger de l'énergie au-delà des frontières, et à disposer de davantage d'électricité provenant du soleil et du vent.
Comme l'a fait remarquer le Dr Ranjit au cours de notre table ronde, ce sont des raisons pour lesquelles même si les pays en développement ne sont que très faiblement responsables du changement climatique par rapport au pays développés, ils ne devraient pas hésiter à se tourner vers les énergies renouvelables et à les exploiter aussi rapidement que possible. Même en mettant de côté l'argument du climat, il est économiquement rationnel de se tourner vers les énergies propres qui sont aujourd'hui beaucoup moins chères que les combustibles fossiles. Si l'on considère tous les avantages en termes de santé, de pollution locale de l'air et de l'eau, les coûts diminuent encore davantage. En effet, les combustibles fossiles sont un secteur fortement subventionné - estimé par le FMI à 5 900 milliards de dollars en 2020 - dont environ 70 % proviennent de la sous-facturation des coûts environnementaux et sanitaires liés à l'utilisation de ces combustibles. Un prix que les États et les citoyens, et non les pollueurs, finissent par payer.
Notre deuxième table ronde, avec l'intervenant Dr Wikus Kruger, chercheur et responsable de cours au Power Futures Lab de la Graduate School of Business de l'Université du Cap en Afrique du Sud, a porté sur les ventes aux enchères d'énergies renouvelables. En tant qu'expert des investissements dans le secteur de l'électricité en Afrique, Wikus a étudié les ventes aux enchères d'énergies renouvelables organisées dans le monde entier, afin de voir quelles leçons l'Afrique peut en tirer pour concevoir des ventes aux enchères permettant de fournir de l'énergie solaire et éolienne à grande échelle au prix le plus bas possible.
En résumé, une vente aux enchères d'énergie renouvelable est un processus compétitif d'approvisionnement en électricité produite par des énergies renouvelables. Les promoteurs de projets énergétiques soumettent des enchères pour fournir de l'énergie par le biais de contrats à long terme, au prix le plus bas possible. Les ventes aux enchères d'énergies renouvelables ont révélé que les énergies renouvelables sont en train de devenir la source de production d'électricité la moins chère au monde. Nous avons vu des prix records de 2,5 cents de dollars américains en Éthiopie pour l'énergie solaire, et de 2 à 3 cents pour l'énergie solaire et éolienne en Afrique du Sud. Lors du dernier appel d'offres pour une centrale électrique au charbon en Afrique du Sud, il y a six ans, l'offre gagnante a été attribuée pour un prix de 7 à 8 cents, soit deux à trois fois plus que l'énergie renouvelable.
Les députés ont reconnu l'énorme opportunité qu'offrent les énergies renouvelables pour enrichir leurs électeurs en réduisant les coûts de l'énergie. Mais pour les pays qui sont extrêmement dépendants du charbon, cela représente un changement économique dramatique qui doit être contrôlé de près. En Afrique du Sud, alors que les taux de chômage sont déjà très élevés, de nombreux travailleurs et leurs familles dépendent entièrement de l'industrie minière et des combustibles fossiles pour vivre. Mais comme l'a souligné notre intervenant, il est nécessaire de séparer la suppression des emplois liés aux combustibles fossiles des investissements dans les secteurs des énergies propres. Ces questions sont souvent opposées, mais il ne s'agit pas de trancher entre l'une ou l'autre. La transition énergétique est une réalité, et comme les énergies renouvelables sont de moins en moins chères, les investisseurs se détourneront naturellement des combustibles fossiles car c'est le choix le plus rationnel économiquement.
Afin d'encourager leur pays à exploiter tout le potentiel économique des ventes aux enchères d'énergies renouvelables, les parlementaires peuvent jouer un rôle important en élaborant des plans, en fixant des objectifs élevés et des ambitions climatiques qui peuvent se traduire dans les processus de passation de marchés. Les parlementaires ont également un rôle crucial à jouer pour que leur pays poursuive une transition juste, pour s'assurer que personne ne soit laissé pour compte et que chaque individu puisse être reformé et réorienté pour continuer à contribuer à l'économie. Le secteur des énergies renouvelables est associé à une intensité d'emplois plus élevée que les combustibles fossiles, et les députés peuvent faire pression pour que les nouveaux projets soient conçus et évalués non seulement en fonction des prix, mais aussi du nombre d'emplois qu'ils créent, de la part de propriété qui revient aux communautés locales et de la participation des populations plus marginalisées telles que les femmes et les plus jeunes.
Comments